Hier, le télétravail était parfois ponctuel, voire inexistant.
Aujourd’hui, le télétravail est fréquent dans les organisations et il est parfois prépondérant par rapport au travail au bureau.
Durant la pandémie Covid-19, les organisations ont opté pour des solutions d’urgence pour travailler à distance. Et depuis, certaines entreprises ont amélioré leurs outils de travail à distance pour accompagner leurs collaborateurs dans ce changement.
Mais au-delà des outils, cela a profondément remodelé nos façons de travailler et d’autres problèmes se révèlent :
- La perte de cohésion d’équipe
- Un partage des informations hétérogène
- Des collaborateurs isolés dans leur poste
- Des réunions inefficaces et infernales avec des personnes sur site et d’autres à distance
- La perte de la convivialité
- La perte de l’informel
- Du management décorrélé par rapport à ce nouveau mode hybride
Pour relever ces défis, le management a un rôle primordial à jouer pour évoluer sereinement dans ce mode hybride.
Une nouvelle évolution du management
Prenons un peu de recul pour nous intéresser à l’évolution du manager dans le temps.
- Le manager directif : il possédait la connaissance, le pouvoir et régnait sans partage sur son équipe
- Le manager collaboratif : il a commencé à considérer les salariés qui sont devenus des collaborateurs. Il s’est intéressé à leur bien-être, leur avis. Même s’il décidait encore seul, l’information est alors partagée.
- Le manager agile : prêt à s’adapter à tous les changements de situation, il rend autonome son équipe.
- Le manager leader et facilitateur : il se met au service du collectif pour l’aider à aller plus loin et lui permettre de coconstruire ses propres solutions. C’est lui qui inspire, donne le sens et la direction sans étouffer l’initiative d’une autorité castratrice.
- Le manager hybride : et voilà que maintenant qu’il devient hybride. Le manager serait-il en fait un Pokémon dont « hybride » serait la dernière évolution qui lui permettrait d’atteindre le niveau ultime du management ?
Eh oui, le management a bien évolué et le rôle de manager suscite aujourd’hui de nombreuses attentes.
Mais lorsque l’on parle de manager hybride de quoi parle-t-on ?
A la différence des précédentes modes managériales qui redoublent d’inventivité quant à la posture que doivent adopter les managers pour rester dans le coup, le concept de management hybride, lui, a été imposé par la réalité.
Le management hybride, c’est pouvoir gérer trois cas de figure :
Une équipe en présentiel
Un manager hybride c’est tout d’abord un manager qui accompagne une équipe, physiquement, dans des bureaux. Il doit favoriser l’esprit d’équipe, être à l’écoute des signaux faibles et garantir l’atteinte des objectifs.
Du management à distance
Mais c’est aussi un manager à distance. Lui ou ses équipiers peuvent être en télétravail ou sur un autre site. Il doit donc savoir gérer un groupe qui n’est pas physiquement présent, maîtriser les outils pour communiquer, partager des documents, animer des temps collectifs distanciels.
Un mélange des deux
- Une partie de l’équipe à distance, pendant que l’autre partie de l’équipe et le manager sont au bureau, voire sur un autre site.
- Ou le manager en home office pendant que d’autres sont sur site ou en remote dans un espace de coworking.
- Ou encore une partie de l’équipe en télétravail sur un autre site alors que d’autres sont en téléprésence depuis chez eux ou en flex office avec d’autres membres de l’équipe.
- Ou bien le manager en téléhoming depuis un site de coworking pour gérer l’équipe qui serait en remote sur un site de flex working…
Bref, un beau bazar !
Il faut donc faire évoluer la posture et les compétences du manager pour mieux s’adapter à cette nouvelle réalité.
Le management plongé dans un nouvel espace-temps
Non content de devoir gérer les exigences de performance, les aléas de la production ou encore les états d’âme de l’équipe, voilà que maintenant le manager va devoir gérer l’espace et le temps. On passe un cap !
Et oui, comme nous l’avons évoqué, terminé l’entreprise à papa où tout le monde vient dans les locaux de l’organisation tous les jours à heure fixe. Aujourd’hui on travaille de chez soi, au bureau, dans un espace de coworking.
Mais au-delà de l’espace, il y a aussi la notion de temps à prendre en considération. On travaille avec des horaires souples et différentes modalités, ce qui pose la question de la synchronicité. À la croisée de ces deux dimensions, spatiale et temporelle, émergent donc différents types d’organisations qui sont vouées à évoluer.
Les entreprises traditionnelles : horaires fixes et présence obligatoire
Ici pas de notion de travail à distance, tout le monde vient sur le lieu physique de travail tous les jours. Les horaires sont fixes et connus de tous, le travail synchrone est par conséquent facilité. C’est le modèle dominant que l’on a connu pendant longtemps.
Même s’il comporte des avantages indéniables, il manque cruellement de souplesse :
- Des horaires auxquels on ne peut déroger
- un lieu de travail qu’on ne peut quitter
- Une rigidité qui rappelle plus le monde carcéral que celui de l’entreprise.
Il envoie un message assez clair aux collaborateurs : on ne vous fait pas vraiment confiance, le seul moyen de savoir si vous travaillez réellement c’est que vous soyez toutes et tous rassemblés en un même endroit afin que l’on puisse vous surveiller.
Difficile de rester sur cette ligne aujourd’hui !
Présence obligatoire, horaires flexibles
On introduit un premier niveau de souplesse sur la dimension temporelle. Même si on est encore loin d’un modèle totalement autonome et responsabilisant, on commence à prendre en compte le collaborateur et ses attentes plus que les horaires d’ouverture d’un bâtiment.
Mais toute liberté amène son lot de responsabilités.
Il faut dans ce type d’organisation s’accorder sur des temps où toute l’équipe sera présente. C’est-à-dire, s’astreindre à des temps de synchronicité indispensables au bon fonctionnement du collectif.
Horaires fixes, travail à distance
On retrouvait déjà ce cas de figure pour les collaborateurs nomades qui doivent se déplacer régulièrement chez des clients ou des partenaires. Mais c’est surtout l’introduction de la notion de télétravail qui est nouvelle.
Les horaires de la journée de travail restent sanctuarisés mais on apporte une souplesse sur le lieu.
Cette liberté complémentaire apporte de nouvelles contraintes, notamment techniques. Pour que cela fonctionne, il faut avoir accès au système informatique de l’organisation et pouvoir bénéficier d’outils de communication efficaces tels que les outils de visioconférence.
Je travaille où je veux, quand je veux
Nous sommes ici sur le type d’organisation imposant le moins de contraintes.
Une confiance totale est accordée à chacun qui peut s’organiser comme il le souhaite pour remplir au mieux ses missions en fonction de ses contraintes et de ses besoins, choisir le lieu et les horaires les plus adaptés.
Mais cette grande liberté n’est pas sans risque. Des risques pour :
- le salarié lui-même qui perd ses repères et potentiellement le lien avec l’entreprise.
- l’entreprise qui doit s’adapter à ce mode de fonctionnement radicalement différent.
Bien entendu, les modèles qui émergent ne sont pas aussi étanches et la réalité du monde du travail est certainement un mélange de ces différentes approches. Car à y regarder de plus près selon les tâches à réaliser, on se positionne différemment sur cette matrice.
Je travaille où et quand ?
Les tâches de types “focus”
Ce sont toutes les tâches qui demandent de la concentration, ce que l’on pourrait appeler le travail en profondeur. Ce type d’activité se réalise plutôt seule.
Il peut s’agir de :
- rédiger une synthèse
- planifier une activité
- lire un document…
Bonne nouvelle, le télétravail est plutôt bien adapté à ce type de travaux. Car pour bien les réaliser, il faut limiter les interruptions parasites qui sapent votre concentration et en télétravail nous sommes moins susceptibles d’être dérangé.
Il n’est pas non plus nécessaire d’être synchronisé pour réaliser ce type de tâche car, puisque nous travaillons en toute autonomie, nous n’avons pas besoin de feed-back immédiat sur ce que nous réalisons.
Ce type d’activité est dit télérobuste, il résiste bien au travail à distance, voire il est plutôt bien adapté.
Les tâches de coordination
Ce sont tous les moments où l’on doit faire circuler l’information pour avancer sur un projet ou une activité commune. Lorsque l’on sait que 60% des salariés ont besoin d’échanger avec au moins 19 collègues par jour pour faire leur travail, on réalise à quel point ce type de tâches est primordial.
On va y retrouver :
- les points de synchronisation au sein d’une équipe qui permettent de connaître l’avancement de chacun,
- les échanges bilatéraux entre manager et managé.
Selon la nature de l’information à échanger au sein du collectif, on peut avoir besoin (ou pas) d’un échange synchrone :
- Pour tout ce qui est de l’information nécessitant des explications, il peut être intéressant de privilégier un échange synchrone qui utilise généralement un média plus riche (voix et/ou expression du visage) et permet d’obtenir un retour direct sur le message transmis.
- En revanche pour tout ce qui concerne les informations froides qui se suffisent à elles-mêmes, il n’est pas nécessaire de mobiliser tous les participants au même moment.
- Enfin on retrouve dans cette catégorie tout ce qui concerne le recueil d’information, qu’il s’agisse de besoins concernant un sujet, un avis… À moins que l’on souhaite construire une vision partagée, ce type de tâche ne nécessite pas de synchronicité.
Dans tous les cas, les tâches de coordination sont elles aussi télérobustes, elles supportent plutôt bien le travail à distance.
Mais à une condition : que la distance émotionnelle soit faible. En d’autres termes, il faut que des liens sociaux aient été préalablement créés et soient suffisamment forts pour que la coordination puisse se faire de façon efficace.
Sans ce préalable, on risque vite de faire face à une accumulation de mauvaises interprétations et de tensions en tout genre.
Les tâches de co-construction
La co-construction, ce sont toutes les situations où l’on doit construire ensemble un livrable commun. C’est là où s’exprime le mieux l’intelligence collective du groupe et où l’on peut en tirer tout son potentiel.
Ce sont tous les cas où l’on va avoir besoin de mettre en place un atelier pour faire produire un collectif : lancement de projet, résolution de problème… Ce type d’activité nécessite une véritable synchronicité car la valeur émerge de la richesse des échanges entre les participants.
Avec une bonne maîtrise des outils digitaux de visio et de tableaux blancs virtuels, une grande partie de ces ateliers peuvent se tenir à distance. Après avoir mené de nombreux ateliers dans ces conditions, je peux affirmer que la qualité de ce qui est produit est comparable à ce que l’on peut produire lors d’un atelier présentiel. En revanche à distance, il va manquer une composante essentielle de ce type d’activité, à savoir la possibilité de créer du lien entre les participants.
Les démarches de co-construction sont également particulièrement bien adaptées dans le cas d’accompagnement au changement.
Partant du principe que les gens ne sont d’accord qu’avec les idées qu’ils ont produit, il est primordial de pouvoir donner la parole au plus grand nombre en s’appuyant sur une démarche d’atelier. Prévoir dans le dispositif d’accompagnement au changement des ateliers de co-construction pour que chacun puisse imaginer la nouvelle organisation ou à minima donner son avis est essentiel.
Là encore, même si les outils permettent aujourd’hui de réaliser ces ateliers en distanciel, il est préférable, autant que faire se peut, de les réaliser en présentiel.
Enfin la co-construction est centrale dans tout ce qui est démarche d’innovation. Selon une étude de Microsoft, le manque de relation dans son espace de travail aboutit à une diminution de 10% des brainstormings. En outre, les salariés sont 9% moins nombreux à proposer de nouvelles idées dans ces conditions.
Faire de l’innovation c’est bien entendu mener des ateliers de créativité, mais au-delà des ateliers, il faut envisager tout ce qui rend l’innovation possible, à savoir les interactions impromptues qui génèrent de la sérendipité, le partage d’informations entre différents métiers qui permettent de mûrir et d’affiner une idée…
Dans tous ces cas de figure, il n’y a pas d’échappatoire digitale, la rencontre pour de vrai est la seule solution. Même s’il est possible d’organiser des ateliers de créativité à distance, les résultats produits sont ici bien moins convaincants que ce que l’on peut générer avec un groupe réuni physiquement au même endroit.
Créer du lien
C’est certainement le type de tâche le plus important dans la vie d’une équipe. On retrouve ici tout ce qui va permettre de réduire la distance émotionnelle. Il peut s’agir d’activités de team building spécifiques ou tout simplement d’échanges informels à la machine à café.
Ces activités nécessitent pour la plupart d’être physiquement présent en même temps. Même s’il est possible d’animer des exercices de cohésion en ligne, cette modalité est bien moins adaptée. Créer du lien dans un collectif est primordial pour générer un sentiment d’appartenance mais également pour booster l’efficacité de l’équipe.
Et pour ce faire, il faut multiplier les occasions d’interagir directement.
Une expérimentation particulièrement explicite a été menée à ce sujet. Les employés d’une banque étaient munis de badges électroniques permettant de comptabiliser les contacts en face-à-face qu’ils pouvaient avoir les uns avec les autres.
Après analyse des données, les résultats sont sans appel. Les agences les plus performantes sont celles dans lesquelles il y a le plus d’interactions directes.
Toutes ces interactions et tâches sont également primordiales lors de l’intégration de nouveaux arrivants dans l’équipe. Tout d’abord pour avoir l’occasion de créer une proximité affective avec une nouvelle recrue mais également pour faciliter l’apprentissage.
Pour un nouvel arrivant, il est beaucoup plus simple de demander une information lorsque l’on peut interagir directement avec un membre de l’équipe.
On peut également plus facilement calquer son comportement sur ce qui représente la norme dans le groupe, par observation et mimétisme, et par conséquent l’intégrer plus rapidement.
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