Le brainstorming c’est le mal ?

L'histoire du brainstorming
brainstorming

Inventé dans les années 40 par Alex Osborn, fondateur de l’agence de pub BBDO, le brainstorming est une des premières pratiques collaboratives à avoir été largement utilisée et plébiscitée. Sensé libérer la créativité et faire émerger le meilleur d’un groupe, il est aujourd’hui mis à mal de toutes parts car on le trouve peu efficace voire contre productif !

On lui reproche quoi exactement à ce brave brainstorming ?

  1. On produit moins d’idées en groupe que seul : bon nombre d’études viennent enfoncer le clou sur ce point. Qui plus est, selon le psychologue Keith Sawyer, les idées produites en groupe seraient en plus moins réalistes et moins intéressantes que celles produites en solo.
  2. L’absence de critique est contreproductive : une des règles de base du brainstorming qui est l’absence de critique serait contreproductive et aboutirait à des idées de moins bonne qualité que les idées secouées par la critique. De plus, l’absence de critique ou de censure ne prémunit pas de l’autocensure.

Bref, la sentence est assez implacable. Que nous reste-il à faire alors ? Organiser des expéditions punitives lors des réunions de brainstorming pour dissuader les collaborateurs impies qui oseraient encore s’adonner à cette pratique vile et vaine inspirée par le malin ? Mettre en place un mouvement de lobbying pour faire pression sur le département et le contraindre à promulguer un arrêté préfectoral interdisant purement et simplement cette pratique ?

Avant d’en arriver à ces extrémités, je vous propose de mettre un peu tout ça en perspective et de voir s’il n’y a vraiment rien à sauver dans ce brainstorming. Je suis personnellement toujours frappé de voir à quel point nous sommes capables de passer d’un extrême à un autre.

Doit-on sauver le soldat brainstorm ?

  1. Un brainstorming, c’est pas mauvais tout le temps : tout d’abord relativisons les études menées contre le brainstorming car d’autres études tendent à montrer que les expérimentations menées pour juger l’efficacité de la pratique sont souvent réalisées sur des problèmes soit très complexes, soit très simples. Manque de bol, un brainstorming ça a tendance à mieux marcher avec des problèmes d’une complexité moyenne qui fait intervenir plusieurs fonctions dans l’entreprise. Il ne s’agit pas de réfuter toutes ces études, mais disons pour le moins qu’il faut relativiser leur périmètre.
  2. L’absence de critique c’est peut-être un peu surfait mais c’est quand même important : à quoi sert cette règle un peu mièvre selon laquelle il ne faut pas critiquer ? Est-ce qu’elle vient d’une série américaine des années 80 où pour une fois la morale de fin ne serait pas « l’important c’est d’être toi même » mais « critiquer c’est mal » ? Et bien non. L’absence de critique c’est un facteur qui permet de créer un environnement bienveillant. Et pourquoi c’est bien de créer un environnement bienveillant, à part pour se préparer psychologiquement à aller voir le dernier Walt Disney ? Parce qu’un environnement bienveillant ça favorise la pensée divergente. Vous savez la pensée divergente c’est notre capacité pour un problème donné à trouver beaucoup de solutions différentes. Attention, ce n’est pas équivalent à la créativité mais disons que c’est la première étape. Et il se trouve que l’on a tendance à étouffer notre capacité à développer cette pensée divergente. Je vous conseille le TEDx de Sir Ken Robinson sur le sujet qui explique comment l’éducation tue la créativité, c’est édifiant. On comprend alors que c’est quelque chose de fragile et précieux et que le meilleur moyen d’étouffer cette façon de penser c’est la critique. Bon maintenant il existe d’autres manières de stimuler cette pensée divergente, ou pensée latérale comme l’appelle Edward De Bono. On peut par exemple utiliser des analogies, de la provocation… mais ça c’est une autre histoire.
  3. Réfléchir tout seul c’est bien, réfléchir ensemble c’est bien aussi : au final faut-il vraiment faire un choix. S’il est indéniable que l’on produit plus d’idées seul, on ne peut pas nier non plus qu’il est enrichissant de confronter les points de vue et de rebondir sur les idées des autres. Alors fromage ou dessert, faut-il vraiment choisir ? Pourquoi ne pas proposer les 2 dans une séance de brainstorming. D’abord une réflexion individuelle de 10 minutes pour que chacun s’imprègne du sujet et génère un maximum d’idées. Ensuite un partage des idées pour profiter de la dynamique du groupe et en générer de nouvelles.
  4. Brainstormer, c’est dans tous les cas co-construire : n’oublions pas non plus que brainstormer c’est aussi impliquer les partis prenantes dans le processus de création et de décision, et ça c’est précieux. Au delà des considérations sur la quantité et la qualité des idées il faut bien se dire une chose, on gagne dans tous les cas l’adhésion du groupe. On accepte forcément une idée que l’on a créé. Pour reprendre la formule du très bon livre « L’intelligence créative au delà du brainstorming » : E = QxA (l’efficacité d’une idée est égale à sa qualité multipliée par l’adhésion qu’elle remporte).
  5. Le brainstorming ce n’est qu’une partie d’un tout : il faut bien comprendre que le brainstorming n’est qu’une partie d’un processus plus large de résolution de problème par la créativité (la CSP ou Creative Problem Solving). Il ne faut donc pas le considérer de façon isolée mais comme une étape du processus qui se décompose en gros selon les étapes suivantes :
    1. Poser le problème et partager la vision
    2. Brainstormer pour trouver un maximum de solutions possibles
    3. Prioriser et challenger les solutions produites. Et là pour le coup on a le droit de critiquer les solutions identifiées.

Pour conclure

L’idée ici n’est pas de nier les limites de cette pratique. Elle n’est certainement pas la solution miracle à tous les problèmes comme on a pu la vendre durant des années. Mais à l’inverse, ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain. Il y a dans cette pratique pas mal de bonnes choses à garder si l’on sait rester vigilant sur les limites de l’exercice.

Du coup, même si j’avais trouvé 2/3 collègues anarchistes motivés sur le sujet, je ne vais pas organiser d’expédition punitive tout de suite… ils vont être déçus les pauvres…

Et vous, dites nous comment vous faites pour réussir vos brainstorming ? 

PS : merci encore à @100978Marc pour sa superbe illustration qui illumine notre article

À propos de David & Sacha

Co-fondateurs et associés du WORKLAB

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3 Commentaires

  1. Alors perso effectivement je trouves beaucoup de défaut au brainstorming…

    En particulier celui de laissez de la place qu’au mec qui savent parler (donc qui s’écoutent souvent beaucoup … Style moi …)

    Donc en général il étouffe , les timides qui en général ont des idées, aiment pas débattre, cherche pas forcement avoir raison … Moralité souvent le meilleur de la reflexion est laissé de coté …

    Pourquoi car celui qui parle n’observe pas …
    Et ceux qui on fait de pertinentes observations ose pas forcement la ramener …

    Ce qui est « intolérable » …
    J’ai donc inventer / mise au point la méthode : Emerge Map (ex Emerge best / ex ex Merge Map)

    L’idée est basée :
    Le jeux
    La passion personnelle
    L’investissement de chacun
    Le hack des timides
    Le consensus

    Développé pour un atelier sur la cartographie c’est devenue une méthode éprouvée depuis (strat up, politique, projet)

    Voilà :^)

    • Bonsoir Arnaud,
      Peut-on en savoir un peu plus sur la méthode que tu as développé?
      je te remercie d’avance 😉