Aujourd’hui nous sommes particulièrement fiers de vous proposer cet article autour de la CNV (la Communication NonViolente). Fier à plusieurs titres. Tout d’abord c’est un sujet qui mérite d’être découvert si vous même n’avez jamais entendu parler de cette posture, c’est clairement une approche qui va vous aider dans vos relations avec les autres (et avec vous même peut-être aussi).
Et puis nous sommes sincèrement fiers de vous faire découvrir Jean-Christophe Papot qui nous fait l’honneur de partager son expérience autour de ce sujet dont il est lui même un fervent adepte depuis des années. Pour vous présenter le personnage en quelques mots Jean-Christophe est un être résolument heureux, le genre de personne qu’il faudrait cloner pour en distribuer un à tous les grincheux qui ne voient la vie que comme un dégradé de gris. Investi dans la construction du manisfeste de l’Intelligence Collective il oeuvre maintenant pour l’IFIC. Ses activités de coaching l’amènent à animer régulièrement des stages de développement personnel et des conférences sur le bonheur, tout un programme…
C’est quoi la communication non violente (CNV) ?
Quels que soient les objectifs d’une réunion, la qualité de celle-ci dépend du savoir-faire des participants (leurs compétences « métier » et d’animation) et de leur savoir-être (leur capacité à interagir et communiquer dans le respect d’eux-mêmes et des autres). Sur ce deuxième aspect, que ce soit de la capacité à dire les choses ou de la capacité d’écoute, il s’agit ici de posture personnelle.
Pour évaluer la vôtre, commencez par vous poser le plus sincèrement possible la question suivante : que vous soyez animateur, décideur, contributeur, spectateur, venez-vous à cette réunion pour obtenir du « pouvoir sur » (votre intérêt personnel) ou du « pouvoir avec » (un intérêt collectif, gagnant-gagnant) ? Dans quelle intention êtes-vous quand vous abordez cette réunion ?
Le savoir-être est un booster formidable de l’intelligence collaborative, nécessaire à la productivité d’une réunion par exemple. Le savoir être ensemble dépend du positionnement ou de l’attitude de chacun. Problème (ou tant mieux), je ne peux pas obliger l’autre à être dans une démarche constructive. Alors plutôt que de compter sur les autres pour le faire, des méthodes de communication bienveillantes comme la méthode ESPERE® de Jacques Salomé ou la Communication NonViolente® (CNV) de Marshall Rosenberg, proposent à chacun de prendre cette responsabilité.
Ce point de départ « chez soi » pourra potentiellement inspirer les autres à faire de même. Ces outils participent à nous rendre autonomes et responsables dans nos interactions avec autrui en nous invitant à nous connecter à nos ressentis, et à prendre conscience de nos intentions et besoins. Jacques Salomé, fervent adepte de la symbolique, modélise les relations entre les personnes avec des écharpes dites « relationnelles ». Il explique que si l’écharpe entre Sacha et David représente leur relation, chacun est responsable à son bout de la relation, à son bout de l’écharpe.
En cela, on entend que Sacha est responsable de ce qu’il met dans le lien à destination de David (ses intentions, ses mots, ses actions envers David), mais qu’il n’est pas responsable de la façon dont David va le recevoir à son extrémité. De même si Sacha n’est pas responsable de ce que David met dans le lien à son bout de la relation, il est responsable de sa façon de recevoir ce qui vient de David et ce, indépendamment de l’intention initiale de David. Dans le même esprit, la CNV invite à se connecter à soi (à travers ses sentiments, ses émotions, ses ressentis) pour rencontrer l’autre à ce même niveau.
Au tennis quand vous apprenez à jouer, vous commencez par penser à ce que vous devez faire, à savoir : préparer, vous déplacer, frapper la balle, puis l’accompagner avant de vous replacer. De même, dans l’apprentissage, la communication non violente (CNV) s’appuie sur un processus appelé OSBD pour Observation, Sentiment, Besoin et Demande.
L’objectif, à terme, est de ne plus y penser, mais que cette façon de communiquer devienne naturelle, comme le joueur de tennis qui n’a plus besoin de penser à ce qu’il doit faire, mais qui le fait, tout simplement.
Voici les étapes proposées pour s’exprimer :
1 – Décrire les faits, la situation de façon factuelle (Observation),
« Le début de la réunion est planifié à 10h et tu arrives à 10h20 »
2 – Partager ses sentiments (ressenti physique, émotion) (Sentiment),
« Je me sens agacé et un peu lassé »
3 – Préciser nos besoins (Besoin)
« J’ai besoin de respect du cadre fixé »
4 – Formuler une demande claire, précise et réalisable, tout en laissant l’autre libre (ce n’est pas une exigence, c’est une proposition) (Demande)
« Acceptes-tu d’arriver à l’heure prévue lors des prochaines réunions que j’anime dont celle de la semaine prochaine ? »
L’efficience de la CNV dans l’échange avec autrui repose sur le fait qu’à aucun moment l’autre n’est rendu responsable de quoi que ce soit, que chacun reste à son bout de l’écharpe et ne parle que de soi en disant « je » et à aucun moment « sur l’autre ». Le partage se fait autour de ce que l’on vit, de la façon dont on vit la situation. Les jugements, les projections sont abandonnés au profit du partage de ce que chacun vit à cet instant, dans la situation présente. Cette posture centrée et responsable peut déplacer des montagnes. Il s’agit bien d’une nouvelle façon de se positionner en restant connecté à soi tout en étant en relation avec l’autre.
Appliqué au domaine professionnel et notamment à la conduite de réunion, l’animateur en posture CNV a à cœur que la parole de chacun soit écoutée, prise en considération et que le consensus soit recherché et non la majorité. Son rôle sera d’être à l’écoute de tous au-delà des remarques, et propositions, dans un souhait d’aboutir à une décision auquel chacun aura contribué. Jean Klein disait « Les conflits appartiennent à l’ego, pas à l’être humain ».
La posture CNV permet de laisser un temps l’ego à la porte en écoutant ce que chacun vit dans l’instant et en le partageant à l’autre. Que peut objecter l’autre quand je lui dis ce que je ressens ? Peut-il me dire sérieusement que j’ai tort de ressentir ce que je ressens à cet instant ? S’il fait cela, tendez-lui une écharpe et demandez-lui à quel bout il se trouve quand il vous parle ainsi. Que des collaborateurs adoptent ce « savoir être CNV » en réunion, et vous verrez alors la puissance de l’Intelligence Collective à l’œuvre. Non seulement les résultats obtenus dépasseront les espérances initiales des uns et des autres, mais vous ressentirez surtout cette énergie agréable, ce plaisir lié à l’adhésion de tous, ce sentiment d’avoir accompli quelque chose ensembles, quelle que soit l’ampleur de ce quelque chose. Si vous avez des doutes, je vous invite tout simplement à expérimenter, tester, pratiquer, c’est à mon sens la seule façon d’éprouver la méthode et d’intégrer ce savoir-être.
Très bon article de rappel pour un vieil initié de la CNV. J’avais notamment oublié que le point n°3 concerne l’expression d’un besoin et ça me semble crucial (même si je ne suis pas sur que nous ayons toujours « besoin » de ce dont nous éprouvons le besoin. Je peux penser avoir besoin d’argent quand en fait j’ai besoin de me sentir en sécurité par exemple, besoin qui est lui même issu d’une peur. Et le fait de formuler un besoin comme si c’était un fait indéniable ne remets pas en question chez l’utilisateur de la CNV d’ou vient ce besoin et si il est « clean » de tout jugement faussé ou attente démesurée, ou peur non travaillée).
Je préciserais donc qu’en fait, cette « méthode » nécessite une vraie exploration et pratique pour, d’une part savoir nommer ses émotions sans les confondre avec des jugements, et d’autre part savoir les ressentir, ces émotions, pour écouter là où elle nous guident (quand on écoute sa colère, on peut se rendre compte qu’elle ne révèle aucun besoin si ce n’est une tristesse refoulée par exemple, ce qu’explique très bien Rosenberg dans Les mots sont des fenêtres ou bien ce sont des murs).
A cet égard, s’il est vrai que « à aucun moment l’autre n’est rendu responsable de quoi que ce soit » par la méthode du « je » utilisée, je trouve par contre que l’autre est justement responsabilisé => (et non culpabilisé, nuance) puisqu’il lui est demandé de répondre clairement à une demande et de positionner sa réponse.
Et attention aux utilisations manipulatoires de la CNV lorsqu’elles visent à utiliser la subjectivité comme ressort de manipulation (genre « ben moi je ressens ça donc attends, non mais tu comprends pas ce que je veux dire? Puisque je te dis que je le ressens? »). Une bonne application de la CNV demande d’être sacrément audacieux émotionnellement et ouvert mentalement! 🙂
Merci pour cet article remarquablement concis et clair (je crois que c’est la première fois que je comprends le principe de la CNV). Et merci également pour le commentaire éclairant d’Olivier.
Je suis très impressionné par l’expérience de l’écharpe. Et justement, à la lecture de l’article il semble que le processus soit centré sur la personne, et pas sur la relation (mais entre les lignes du commentaire d’Olivier, je crois lire que c’est plus subtil que ça).
En tout état de cause, on pourrait envisager que les participants accrochent l’écharpe au mur, par exemple, et se focalisent sur elle pour en parler ob-jectivement (c’est à dire comme de quelque chose qu’on pose à distance, devant soi). C’est seulement une suggestion, inspirée d’une technique de thérapie.
Pour poursuivre la réflexion d’Olivier, lorsqu’il conclut « une bonne application de la CNV demande d’être sacrément audacieux émotionnellement et ouvert mentalement! », il me semble qu’il y aurait intérêt à croiser la CNV avec deux autres approches : l’orientation solution (qui notamment fait la différence entre « le plaignant » et « l’acteur » dans la capacité de la personne à se sentir ou non capable d’agir sur la relation ici et maintenant) de Steve de Shazer, et, pour l’exploration de la personne et la relation avec le facilitateur, le Clean Language de David Grove.
Merci à tous les deux 🙂
Merci pour ces commentaires et les approches que tu cites Philippe, nous allons nous empresser d’aller jeter un oeil.
Clairement il ne s’agit dans cet article que d’une introduction et l’auteur (JC) de cet article le dirait mieux que moi mais dans a CNV le plus gros boulot est un travail sur soi et ce n’est pas rien comme boulot (il me le dit souvent).
Merci à Philippe et Olivier pour ces commentaires complémentaires et bienveillants, j’en suis touché. Comme l’ont fait remarqué David et Sacha, il s’agit d’une introduction à la CNV, complétée par la symbolique des écharpes relationnelles de Jacques Salomé que je trouve très éclairante.
Je rejoins Olivier sur le fait que la difficulté de la pratique CNV réside dans notre capacité d’écoute émotionnelle. Qu’est-ce que je vis à cet instant, comment je me sens ? C’est le passage nécessaire vers le besoin non satisfait. Notre culture nous a coupé grandement de cette écoute, et nous sommes plus en réaction que dans l’écoute. Soit je renvoie à l’extérieur, la cause de mon émotion inconfortable (Jean-Paul Sartre dirait « l’enfer c’est les autres ») soit « de façon CNV » j’accueille cette émotion dans l’intention de trouver mon besoin qui n’est pas satisfait (l’enfer c’est ce que JE me fais des autres). Les expériences d’ateliers de pratiques montrent la difficulté d’identifier le besoin caché derrière et celui qui apparaît rapidement est rarement le plus profond. D’où, là encore l’intérêt de la pratique et de la pratique avec d’autres quand c’est possible. Attention à ne pas confondre besoin et stratégie. Dire « j’ai besoin d’acheter le dernier jeu de ma console YBoite » n’est pas un besoin mais une stratégie pour répondre à mon besoin d’amusement, de divertissement. Oui encore avec Olivier sur la posture manipulatoire que peut amener la CNV. Lors de présentations, j’ai déjà entendu des participants me dire que ça leur plaisait car leurs interlocuteurs accéderaient plus facilement à leur demande. Si Sacha et David le souhaitent, je peux leur envoyer un autre article CNV niveau 2 😉 ou je zoome sur la notion de Demande et qui ouvre la CNV à des notions plus spirituelles qu’opérationnelles.
Merci aussi à Philippe sur ces 2 autres approches que je ne connais pas et que moi aussi je vais aller découvrir. Et pour rebondir sur le processus, c’est bien dans ma vision de la chose une démarche qui invite à une posture centrée (l’écoute de ma façon de vivre la situation) avant de le partager à l’autre (ce que je mets dans le lien). Je m’attache donc à ne pas parler à l’autre bout de la relation, c’est à dire à ne pas parler de l’autre, mais encore et toujours, de MA façon de vivre ce qui se passe ou se dit dans l’instant.
Merci encore à vous 2 :-).
Bonjour à tous ! Je rebondis sur vos commentaires car effectivement tout est bien plus subtil que ce qu’on en perçoit à la première approche ! Et on a beau être formateur certifié, on en découvre encore chaque jour des facettes ….et heureusement, ça veut dire que c’est vivant et donc en mouvement !
J’aime cette remarque faite par l’un d’entre vous disant qu’il s’agit d’une approche centrée sur la personne et non sur la relation. C’est vrai et en même temps, c’est ce qui rend la relation vivante ou pas. En effet, il est souvent fait un usage erroné des mots (y compris en CNV) et une confusion est bien ancrée dans les esprits entre « relation » et « lien ». Je suis d’ailleurs assez mal à l’aise avec l’approche de Jacques SALOME qui lorsqu’il parle de « relation » parle en fait de « lien ». Et l’écharpe montre bien que lorsque l’un tire à un bout, ça bouge immédiatement l’autre à l’autre bout. C’est comme le lien qui lie le veau à l’étable ! Le lien est aliénant. La relation demande de la liberté d’être de part et d’autre, alors seulement la relation commence. Et en CNV, plus je vais être au clair d’abord avec ce qui se passe chez moi, au clair avec mes besoins, au clair que l’autre n’est pas là ni pour les satisfaire obligatoirement, ni le seul à pouvoir les satisfaire, alors seulement je suis en mesure de faire de vraies demandes et de répondre librement aux demandes des autres. Mais cela demande parfois un gros nettoyage chez soi avant d’être au clair avec nos besoins et surtout avec nos stratégies et nos exigences et nos attentes déguisés en besoins ! C’est souvent l’écueil du débutant en CNV, c’est de s’en tenir à des besoins de surface et de faire des demandes à partir de ces besoins couvercles et donc par la suite de ne pas être comblé en profondeur et au bout du compte de rester frustré sans trop bien savoir pourquoi….. Si vous voulez en savoir plus sur ces notions de « relation/lien » et sur la manière dont se construit notre « corps relationnel » dans l’enfance, j’aborde ce sujet dans un chapitre que j’ai écrit sur ce sujet dans cet ouvrage collectif : Le Laboratoire du Bonheur » qui vient de sortir chez Solar. Sinon, n’oubliez pas qu’il n’y a qu’une manière d’approfondir ses compétences en CNV (ou tout simplement en « vie ») c’est de pratiquer, pratiquer, pratiquer,……sans avoir peur de se tromper et en se réjouissant de se planter ! Car c’est en se plantant qu’on prend racine !!
Oui à l’appréhension du probleme sous un angle spirituel et non operationnel. Meme si ce n’est pas l’angle de ce blog. Bravo pour les commentaires de chacun, tres riches et bienveillants, et complets. C’est top!